Moar, MoMo pour les intimes ou encore MoLar pour les plus farceurs langues de vipère d'entres; nous fait partie des activistes qui arrivent aujourd'hui à maturité; musicalement, d'abord mais indéniablement humainement.* *(Je dis ça, mais je ne le connais pas personnellement, simplement, le peu de temps passé à palabrer avec lui indique une ouverture d'esprit que seule la maturité confère).
En pleine période "chaude", il a bien voulu répondre à nos questions.
-Jyuza pour HipHop Hourra: Moar, tout d'abord merci d'avoir répondu à l'invit', ça fait vraiment plaisir.
Moar: C'est moi, le plaisir est partagé.
-Alors peux-tu te présenter, parler de ta découverte du mouvement, ton parcours dans les grandes lignes...
Moar, activiste HipHop, je découvre le HH en 1982 par le break dance; je regardais aussi Hip à chopper présentée par Sydney. En 86, je prends réellement conscience que je veux vivre le HipHop après avoir entendu les Beastie Boys (énorme claque). Je defonce aussi quelques murs fin 80, je prends le micro pour les premières fois aux alentours de 93 et 96 sonne le debut de mon vœu de produire de la musique. Voilà, le tout jusqu'à 2008 et, c'est pas fini...
-Question que l'on a dû te poser mille et une fois, mais quels sont les artistes (même si je m'en doute un peu) qui t'ont inspirés et motivés à entrer dans le biz ?
Slick Rick, Public Enemy, A Tribe Called Quest, Large Professor donc Main Source, No.I D : à l'époque j’achetais tous les disques qui sortaient; car il n'y avait pas grand chose. Sans oublier NWA, Dré, Marley Marl, GangStarr, y'en a eu pleins...
-La réussite d'un mec comme Mc Solaar a t-elle été déterminante pour toi: en sens que, est-ce que ça t'a poussé à taffer mieux et bien ??
Pas la réussite: c’est surtout le talent que pouvait avoir Claude Mc. Cela m'a plus mis en tête de travailler encore et encore toujours être créatif, ne pas fléchir devant l'effort pour arriver à un résultat.
-Travail qui paie aujourd'hui, t'inquiète pas. Sinon, quel regard portes-tu sur l’évolution du mouvement, disons de 85 à 95 ? (D'abord au States et ensuite chez nous)
Les States ont toujours eu l’avance. Que ce soit au niveau des sons qu'en technique de flow etc. Jam Master Jay, Primo qui surenchérissaient d'ingéniosité à chaque album. Les Furious Five, Reverend Run, KRS One, Guru, Rakim, Method Man et beaucoup d'autres: à chaque nouvelle tête on a eu un mc talentueux. Après, il a une grosse accélération: Dre qui s'émancipe d'NWA en créant les prémisses de ce qui sera le G Funk, les Fushnikens. La technique commence vraiment a prendre de l'ampleur. Surtout, les producteurs et maisons de disque se rendent comptent qu’il y a de l’argent. Que le HipHop est une source d'enrichissement pas seulement culturel mais aussi financier.
-En France ?
Les français suivaient. Musicalement, faut vraiment noter une avancée vers 92/93. Car avant les studios étaient tenus par des requins. Donc, forcement dès que l'un d'entres nous avait l'argent pour l'achat du matos, ben on partageait. Preuve de ces grandes avancées, "Paris sous les bombes" sorti en 95 produit par Dj Clyde. Même si un groupe comme Assassin, dès debut 90 a toujours été avant-gardiste avec les prods de Doctor L et justement Clyde; fallait ajouter à cela des morceaux aux textes dénonciateurs. -De 95 à aujourd’hui.
Aïe... Là je dirais que le cross-over : rnb/rap nique tout. Depuis qu'on est passé de la New Jack ou New Jack Swing à la petite soupe qui nous submerge. Même s'il y a des choses vraiment innovantes du côté des personnes comme J Rawls, Count Bass D et bien d'autres.
-Donc plus évolution ou régression, pour toi ?
Y’a du savoir faire, c'est indéniable. Même dans la merde il y a "du" quelque chose. Simplement du côté du public, donc des gens comme vous et moi d'ailleurs, on achète plus autant qu’avant. On achète plus à l’aveuglette. On prend du temps pour ne pas se faire avoir. Chose que l'on ne faisait pas il y a 15 ans ou plus.
-Tu penses que c'était prévisible ? Oui, depuis le moment où le Rap tourne en radio… Les maisons de disques font qu'il a un matraquage pour tel ou tel artiste, mais bon. Le pire de toute façon sont les suiveurs: ceux qui se disent "allez on fait un truc HH pour nous montrer. Comme en France nous avons notre période productions violon, celle synthés: les mecs se prennent pour des Mozart. Je regrette l’époque Jeru, Wu Tang, Démocrates D ou on savait encore créer des albums à ambiance.
-Tu penses pas justement que si ça continue, on cours vers une forme d'élitisme ?
Non, il faut éduquer les gens. Il y a de la Musique populaire de qualité. Il faut montrer que l'on fait de la musique pour faire apprécier la musique: il faut fédérer. Le Rap ne fédère plus. Ajoute à cela de moins en moins d'unité au sein même du mouvement. Plus d'entraide. Il est maintenant rare de trouver des mecs à l'ancienne comme Kohndo, par exemple. Des mecs qui veulent s'investir, mais pas simplement pour eux, mais pour la promotion de l'Art.
-La banalisation de l'électronique, de l'informatique a aussi sa part responsabilité, non ? Je veux dire, moi par exemple, j'ai un ordi, Reason et ça y est quoi: je me prends pas pour fat Jon, mais je pourrais si j'étais plus fou que je ne le suis me bombarder producteur... Non, je trouve pas. C'est même un plus. Personnellement, ça m’oblige à être meilleure. Le fait que le matériel soit plus à porter de main(s) génère des mecs moyens, au dessus et bien sûr d'autres en dessous. -La pseudo-crise du skeud... L’industrie prend un coup dans l’aile: mais là aussi, ça m’oblige à être meilleur. Essayer de nouvelles techniques choses, de nouvelles techniques de prod, faire des erreurs aussi: de manière à ne pas les reproduire. J'écoute beaucoup de musique, de tout type et ne me fixe pas de barrières pour faire en sorte d'essayer de faire évoluer la musique.
-À quand Moar faisant du 'Dirty south' ? Si j’arrive à faire ce que je veux avec, pourquoi pas ? Si moyen d’incorporer un synthétiseur south, pourquoi pas. DeadPrez a réussi à le faire sur "HipHop".
-Tu suis attentivement l'actualité musicale ?
Pas de télé, pas de radio... À l’époque d MTV, quand ça voulait encore dire quelque chose, vers 92, je regardais beaucoup les clips. Sur M6 aussi un peu plus tard avec les "Dj d'une nuit", "Best of Groove" d'Oliver Cachin.
-Ouais, j'ai encore toutes mes k7... Sinon, tu jettes un œil du côté de ceux qui mouvement l'actu en France ?
Connaîs pas le Booba, Sinik, Rohff.
-Dj Mehdi ?
Non plus, il joue sur hype parisienne que personne ne calcule trop. Je fais plus attention à des mecs comme Madjir, Rocé, Kohndo: des mecs qui ont un message et qui savent réellement se faire entendre. L’important est et reste le texte.
-Et au niveau ricain ?
Raashan Ahmad, Kero One, J. Rawls, People Under the Stairs, Kan kick Dj Mistu, LMNO & Kev Brown...
-Aaaaaah, magnifique transition car c'est justement sur ce dernier que je vais t'attaquer: j'ai pu lire récemment "(...) Moar est le Kev Brown français (...)": réaction ?
Moar, Kev’ Brown français.... hhhmm, je sais pas qui a dit ça. Mais nous n'avons vraiment pas la même façon de taffer, la même approche de la chose. J’ai un son plus bostonien (rires), mais la comparaison me fait plaisir. Pas mal inspiré de Pete Rock époque InI.
-Un peu de Jay dee ?
J'ai adoré la période Pharcyde, The Ummah, mais je n'ai plus été aussi séduit par la suite. Je trouve que ça a manqué de fraicheur.
-Ton dernier coup de pied au cul reçu ? Sa Ra Créative Partner, pour la cohérence dans le disque innovant. Du Herbie Hankock en version Rap avec le côté avant-gardiste.
-Tes prochains projets, qu'est-ce que tu mijotes ?
Un maxi avec Rashan Ahmad qui sort début juin. Un petit quelque chose avec une rappeuse new-yorkaise et un album avec mon père musicien jazz: un album entièrement instrumental entre père et fils. Je taf actuellement sur un titre avec Kero One. Projet innovant, affaire à suivre.
-T'as jamais été tenté de suivre la facilité ? Non, à la limite je préfère faire de la musique pour la télé genre générique d'émissions ou de pubs mais pas cracher à la gueule du Rap en faisant du n'importe quoi.
-Tu peux nous parler un peu de l'album ?
L'intro, clin d’œil à No.I D et Martin Luther King: idéaliste dans la démarche, album à l’esprit idéal. Album Jazzy, dans le fond comme dans la forme. Avec des textes poignants et à la fois percutants. Le tout servit sur des sons travaillés et justes. "De la musique, tout simple" dixit Olivier Cachin.
-Tu avais une idée précise des featurings ?
Je voulais inviter des potes, que des passionnés Madjir, Kohndo, Dj Suspect, Alex', Tonton Daz...
-C'est toi à la prod de A à Z...
Oui, mais les scratchs signés de Dj Kozi, Dj Suspect, Dj Kane.
-Y'a des personnes qui tu aurais voulu inviter ?Oui, 20Syl, entre presque voisins (les deux compères étant originaires de Nantes ndlr) mais il finissait son album. Vu que j'ai vraiment voulu prendre mon temps, ne pas hâter les choses. Par exemple, le morceau "Accroché au son" avec Alexy et Siegfried a été créé en 1 an.
-Ce perfectionnisme ce retrouve bien dans des tracks comme "On mérite mieux" et "On court". D'ailleurs, je te remercie de m'avoir fais découvrir MadJir.
MadJir, c'est un ancien et un grand bonhomme, très talentueux.
-Des chances d'avoir plus tard un album Moar/MadJir ?
Oui peut-être mais ce n'est pas en projet. Pas pour l'instant.
-Dommage. Ben écoute mister, moi ça me va. Je te remercie vraiment d'être passer par ici et te souhaite pleins de bonnes choses pour l'avenir.
C'est moi, merci de m'avoir invité.
-Une dédicasse à passer ?
Dédicasses à Trad Vibe records, aux mecs qui achètent des vynils, aux mecs qui achètent des skeuds, les indés, aux activistes, aux mecs qui respectent le HipHop et bien sûr 'Hiphop Hourra'. Peace
Enjoy ;)
1 commentaire:
Ouwaaa !! je n'étais pas venu depuis quelques jours et putain quel beau travail !
Merci pour cette superbe interview !
Merci pour la découverte, reste plus qu'a écouter Mister Moar maintenant ...
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