Illa J, nous a gratifié en début de mois d'Octobre, de son dernier album: qu'est-on en droit d'attendre d'une sortie du petit frère du regretté Jay Dee ? Surprise ou arnaque ? Surtout venant de quelqu'un qui chercherait s'émanciper de l'ombre omniprésente d'un aîné aussi génial que Dilla...
Tout d'abord, un parallèle est à établir avec d'autres "petits frères de...": les plus célèbres étant Grap Luva et Oh No!. Le premier, aura quand même attendu presque dix ans pour se faire un nom et surtout bénéficier du fait Pete Rock se soit un peu reposer sur ses lauriers (bien mérités). Il a dû quand même sortir un peu de l'étreinte de ce "bourreau" et se faire ses propres relations (Kev Brown et Damu en tête) pour vraiment être reconnu. Luva rappe depuis très longtemps, en témoignent son petit freestyle sur "On & on" en 92 (Mecca & the Soul Brothers) et bien sur "Center of attention" avec son groupe InI, mais qui n'est jamais officiellement sorti. On doit attendre 2004 pour qu'un bootleg de quelques-uns de ses featurings arrive: "Elements of Grap Luva". Whaaaow.
Pour Oh No!, l'émancipation n'est pas encore parfaitement établie (de mon point de vue, mais réagissez si pour vous oui). Encore une fois, pas facile d'être dans l'ombre d'un des beatmakers, si ce n'est LE beatmakers le plus influent du début des années 00'. Mais la encore il s'accroche: connecte avec les amis du frérot (qui deviennent les siens), commence à rapper et à produire des sons sous le regard fraternel de Madlib. Mais les premières sorties d'Oh No! ont quand même TROP la forme de celle de l'alter égo de Lord Quas ("The Disrupt", "Oxperiment" et "Ethiopium"). Il faudra attendre ses collaboration avec Alchemist pour vraiment que son identité se dégage pleinement.
Pas facile...
Alors, qu'attendre de cette nouvelle sortie d'Illa J ? Pour ceux qui n'étaient pas là ces dernières années, Illa J a fait surface au décès de Jay Dee en sortant "Yancey boys": des prods de Dilla, "inédites", sur lesquelles rappait et chantait Illa. Bon, on a chroniqué ici l'album en disant à raison, qu'il était le dernier véritable hommage au Grand James Yancey, mais force est de constater qu' Illa J n'était vraiment pas un bon mc et je ne parle même pas de phases chantées.
Quelques-uns de mes amis l'ont vu en concert à l'époque et il frisait la catastrophe.
Mais le gamin s'accroche, feate (du verbe feater, oui) à droite à gauche, est recruté pour faire parti du nouveau line-up de Slum Village jusqu'à donc, "Illa J".
Nouveau départ ? Quoi de mieux qu'un album éponyme pour marquer le coup ?
Fini les prods du frangin, exit l'entourage/héritage peut-être trop lourd à porter et on se téléporte directe au Canada pour connecter les Potatohead People et Moka Only. Bam ! On y est ! LA et seulement là, il sort de "l'étreinte" de son frère. Il est tout à fait légitime pour lui d'utiliser les sons de son "bro", mais s'il lui faut s'affirmer pour devenir un artiste à part entière, travailler avec des producteurs autres que ceux de Detroit était un impératif.
Dans la forme cet album est bon; très bon même. Une direction artistique maîtrisée qui permet à Illa tantôt d'allier rap et chant comme il aime le faire. Et, ici, il le fait bien. Terminer les voix hésitantes et/ou tremblantes et le manque de souffle en fin de phrases. Les heures d'entraînement semblent porter leurs fruits et on ne s'en plaint pas le moins du monde.
Cet opus se situe dans la continuité de groupes comme The Strange Fruit Project: on est clairement dans ce qu'on peut appeler de la "NuSoul". Du coup, la présence de Moka Only est tout à fait logique car il est un rappeur flirtant ce style de musique.
Dans le fond, ce sont les thèmes inhérents au genre et, la encore étant donné que c'est son véritable premier opus, ça tombe plutôt sous le sens de parler d'Amour (même si), de rêves persos... Bref, assez intime.
Alors, comme Grap Luva et Oh No!, peut-il marcher seul et la tête haute ? De mon point de vue oui. Déjà de part le choix des producteurs, les Potatohead People (ici, excellents), alors qu'il aurait été facile de faire appel à Young Rj ou T3. De part le choix des featurings avec cette omniprésence de Moka Only. Et bien évidemment par le fait que techniquement il se soit réellement améliorer: sans être un Phonte, un KRS ou John Robinson, la partition qu'il livre sur cet album n'est pas juste correcte mais très bonne. Au final, un album surprise sur lequel j'aurais pas fais forcement fais attention si personne ne l'avait mis dans la shoutbox (Cheeky je crois).
Un bon album de plus pour cette fin d'année, donc. Bonne écoute à toutes et à tous ;)